Nous avons grandi dans la mondialisation. Depuis trente ans, c’est considéré comme le chemin de la civilisation, celui du développement. Ce serait le seul moyen d’élever le niveau de vie de tous les humains de la planète. Sans mondialisation, pas de futur, c’est la déchéance.

Oui, les dernières décennies ont été teintées d’une conviction implicite : la mondialisation, c’est bon, c’est ce qu’il faut.

Cette conviction était tellement profonde qu’elle a pénétré toutes les couches de la société. L’université enseigne les vertus de la mondialisation. Les gouvernements ont ajusté leur mode de fonctionnement pour favoriser la mondialisation. Les financiers, plus que tous, favorisent la mondialisation car elle rime avec dérégulation. Leurs grilles d’analyse assument un futur toujours plus mondialisé et ce faisant, les projets qu’ils favorisent sont ceux qui ont le profil nécessaire pour réussir à l’échelle mondiale.

Il en résulte la circulation libre et sans entrave des capitaux et des marchandises, mais pas des hommes. Nous avons maintenant un immense marché à l’échelle de la planète, où l’on peut acheter et vendre n’importe quel produit, n’importe où dans le monde, ou placer son argent dans n’importe quel pays du monde.

Mais le rêve craque. Depuis une dizaine d’années, on voit apparaître un vent contraire. D’ailleurs, pour beaucoup de penseurs, la crise de 2008 annonce la fin de la mondialisation et le réveil des états qui tentent de reprendre le contrôle de la situation. Le monde financier n’a pas encore été harnaché mais la reconnaissance du besoin de le faire est plus présente que jamais.

Dorénavant, on parle carrément de démondialisation. Un article important sur le sujet a été publié dans le journal Le monde diplomatique en août 2011.

Frédéric Lordon  y décrivait la mondialisation en ces termes.

« Sous la lumière crue de la conjoncture présente, on peut définir la mondialisation comme :

  • la concurrence non faussée entre économies à standards salariaux abyssalement différents ;

  • la menace permanente de délocalisation ;

  • la contrainte actionnariale exigeant des rentabilités financières sans limites, telles que leur combinaison opère une compression constante des revenus salariaux ;

  • le développement de l’endettement chronique des ménages qui s’ensuit ;

  • l’absolue licence de la finance de déployer ses opérations spéculatives déstabilisatrices, le cas échéant à partir des dettes portées par les ménages (comme dans le cas des subprimes) ;

  • la prise en otage des pouvoirs publics sommés de venir au secours des institutions financières déconfites par les crises récurrentes ;

  • le portage du coût macroéconomique de ces crises par les chômeurs, de leur coût pour les finances publiques par les contribuables, les usagers, les fonctionnaires et les pensionnés ;

  • la dépossession des citoyens de toute emprise sur la politique économique, désormais réglée d’après les seuls desiderata des créanciers internationaux et quoi qu’il en coûte aux corps sociaux ;

  • la remise de la politique monétaire à une institution indépendante hors de tout contrôle politique :

C’est tout cela qu’on pourrait, par une convention de langage peu exigeante, décider de nommer mondialisation. D’où suit, toujours aussi simplement, que se dire favorable à la démondialisation n’est alors, génériquement, pas autre chose que déclarer ne plus vouloir de ça ! »

Aujourd’hui le processus de démondialisation est clairement enclenché. Sous l’impulsion du monde de la finance, on continue à parler de mondialisation mais dans les officines des stratèges économiques, la mode est à la régionalisation. On cherche à rapatrier les entreprises manufacturières qui ont été délocalisées.

Le Boston Group nous en parle dans son rapport intitulée « Made in America again » où il recommande d’entreprendre dès aujourd’hui la planification du rapatriement des entreprises qui ont été délocalisées.

Le président Obama dans son dernier discours sur l’état de la nation propose comme première mesure d’action ceci :

« Create New Jobs Here in America,
 Discourage Outsourcing,
and Encourage Insourcing. »

Voilà qui est tout sauf de la mondialisation.

Ce serait même plutôt de la démondialisation.

  1. Dans ce nouveau contexte, que doivent devenir les stratégies de développement économique ?
  2. Faut-il encore chercher à attirer des entreprises internationales ?
  3. Doit-on encore chercher à lancer les PME sur les marchés internationaux ?
  4. Peut-on imaginer un autre modèle de succès économique, un modèle qui fonctionnerait dans un contexte de démondialisation ?

Cette réflexion, c’est le défi de 2012.