Métamorphose industrielle
Il y a une dizaine d’années, j‘ai assemblé le terme Écohérence pour décrire la société à créer. Ça voulait dire de rendre l’économie cohérente avec l’écologie. J’en ai parlé pour la première fois à l’APDEQ lors d’un atelier de prospective au congrès de 2006.
Dans ma vision, l’écohérence impliquait nécessairement de passer d’une économie de flux à une économie d’actifs .
Aujourd’hui, cette transformation est en train de se faire et prend la forme, à l'échelle industrielle, du passage de l’économie linéaire vers l’économie circulaire.
Cette transformation est fondamentale. Elle est le pivot par lequel la structure industrielle doit se transformer. Ce n’est plus moi qui le dit c’est le World Economic’s Forum, c’est McKinsey & Compagny et c’est une panoplie de chercheurs et de stratège partout sur la planète.
L’économie linéaire c’est celle de la société de consommation, celle que je nomme l’économie de flux. Les Américains, avec leur talent pour trouver des mots qui font image disent le « Take, Make, Waste Economy ». Tel que décrit dans le schéma suivant c’est l’économie qui extrait les ressources, les transforme, les utilise et les jette après usage. C’est en gros l’économie dans laquelle nous vivons actuellement.
L’économie circulaire c’est celle de la société durable, celle que je nommais l’économie d’actif. C’est celle qui va nous permettre de réduire notre empreinte écologique tout en préservant notre qualité de vie. Cela parce que c’est celle qui vise à permettre une réduction drastique de la quantité de ressources nécessaires pour faire fonctionner la société moderne. En clair, c’est celle qui peut nous permettre de consommer une quantité de ressources finie dans une planète finie.
L’économie circulaire fonctionne en tenant pour acquis que les ressources sont rares et que l’apparence de profusion est un leurre et que ça achève. Prenons une minute pour réfléchir à cette éventualité ! Si on accepte qu’en réalité nous soyons dans un contexte de rareté des ressources alors notre relation aux objets change. On prend alors conscience de notre chance de les avoir considérant la rareté des ressources et on se met à leur faire attention, on veut les entretenir pour qu’ils ne cassent pas, on veut pouvoir les faire réparer s’ils brisent. Etc.
C’est en généralisant cette perspective que le concept d’économie circulaire a été créé. On y considère qu’un matériau à plus de valeur qu’une ressource, qu’une pièce à plus de valeur que la somme de ses matériaux, et qu’un équipement à plus de valeur que la somme des pièces qui le compose. Dès lors on tend à conserver les équipements le plus longtemps possible en le rendant résistant et réparable. Puis on tend à conserver les pièces encore plus longtemps en les normalisant et en les réduisant et on tend à conserver les matériaux le plus longtemps en les recyclant.
C’est ce qu’est l’économie durable. Le tableau suivant décrit bien cette forme d’économie qu’il nous faut opérationnaliser pour arriver à une société durable.
C’est le défi qui nous attend, construire une économie durable pour le Québec. C’est le chemin de notre pérennité et de notre qualité de vie.
Pour ma part j'agirai, pour le reste de ma carrière, de manière à favoriser l’apparition de l’économie durable au Québec et cela avant qu’on ne nous l’impose de l’extérieur, car, n’en doutez pas, les Américains font des pas de géants dans cette direction. Leurs penseurs y sont déjà. Si on en veut une version québécoise autant s'y mettre le plus rapidement possible.
2 Commentaires
Décroissance de la croissance: le nouveau modèle qui croise celui de l'économie des biens communs. Nous y sommes..
À la suite du colloque des 24-25 novembre 2014 à l'Université Laval portant sur l'économie circulaire, j'ai découvert à la fois le type d'économie que je cherchais et à travers vous le groupe des créatifs culturels.
J'ai retrouvé chez les créatifs culturels, beaucoup des caractéristiques de ces gens, dont je suis, qui n'acceptent pas l'inacceptable, qui pensent par eux-mêmes et qui cheminent en vue de trouver les modifications et les adaptations à faire pour vivre plus librement, affranchis des attentes sociétales, à l'affût des possibilités et des occasions d'améliorer notre qualité de vie et de partager avec d'autres leurs apprentissages tout en protégeant ce qui leur tient à coeur.
En fait, je pourrais dire que c'est la pensée circulaire qui guide ces gens-là et qui leur permet de faire des choix basés tout de même sur leurs intérêts. Qui accepte de vivre avec la pollution, les énormes écarts au niveau social, des villes engorgées par les voitures où on suffoque en été et la seule nature disponible est le ciel au dessus de sa tête? Qui accepte qu'on s'accapare les terres agricoles, qu'on pille les ressources naturelles des régions et qu'on coupe les programmes sociaux?
Quant à moi, ce sont mes choix de vie et mes intérêts qui m'ont emmené à me battre dans la filière énergétique contre le choix inutile des éoliennes au Québec, alors que tous les autres groupes de l'énergie que j'ai connu, se battaient eux contre les énergies fossiles et réclamaient qu'on fasse de l'éolien au lieu du nucléaire, du gaz de schiste ou d'arnacher la rivière Romaine. Tous ceux qui se battaient, le faisaient par intérêt – c'est là le seul moteur d'action – car ils étaient touchés personnellement. On ne vient pas toucher à la terre des gens, qu'ils soient propriétaires ou non, sans que bon nombre d'entre eux se battent pendant des années. Les organismes environnemetaux quant à eux, sauf Nature Québec, sans mesurer quoi que ce soit, appuyaient ceux qui se battaient contre les vilains de l'énergie fossile et dénigraient ceux qui se battaient contre l'éolien..
Au final, c'est le système économique qui était à remettre en question. Un système économique qui permet aux grands capitaux de prendre de force des territoires, de développer des industries qu'on en ait besoin ou pas, d'épuiser les sols, de les contaminer, d'abandonner des sites ravagés et les gens qui composent ces milieux.
Je cherchais un système économique qui permette d'harmoniser les droits individuels et collectifs,qui articule ses choix à échelle humaine ET qui mesure les coûts/bénéfices des grands projets. J'ai donc connu depuis l'indice de progrès véritable et maintenant l'économie circulaire, beaucoup plus globale.
Nous cherchons comme citoyens engagés une économie qui implique la population, mieux qui met la population à contribution dans ce besoin de réduire les déchets et de considérer les déchets comme des matières ayant de la valeur à la fois pour les individus et pour les entreprises.Une économie où il y a de la place pour tout le monde.
Je comprends surtout que ces créatifs culturels refusent de considérer le profit comme le seul moteur de nos choix de vie et la consommation brute comme seul plaisir dans la vie.
Par ailleurs, le "Capital" m'a toujours dépassé et ce n'est que tout récemment que je viens de comprendre, grâce à Thomas Piketty, que tous ceux qui ont écrit sur le capital dans l'histoire, avaient pour objectif de comprendre les inégalités sociales et d'y répondre car de tous les temps, les inégalités intolérables ont mené aux guerres, révolutions et crash boursiers.
Bref, cette rencontre des 24-25 novembre 2015 est pour moi un tracé des plus encourageant.
Par ailleurs, s'il est question de changer de paradigme au niveau économique et de focusser sur l'être humain au lieu de focusser sur le bottom line, il reste des perdants dans tout cela: les aînés et les jeunes qui souffrent de problématiques en santé mentale. Il n'y a pas de place pour eux dans l'économie….dommage. Il y a là de grands potentiels.
M.:B.