Nous entrons dans une période de grandes turbulences pendant laquelle nous allons devoir inventer une nouvelle société, une société durable. Pour moi toutefois, il est impossible de réaliser le développement durable dans un système strictement capitaliste.

Je crois que la société est rendue trop complexe et donc, que le dogmatisme n’est plus permis, le modèle économique ne peut plus être universel. Il faut en inventer un nouveau ou plutôt des nouveaux : un pour les activités reliées à l’information; un autre pour celles reliées à la matière; un modèle pour les ressources renouvelables; un autre pour celles non renouvelables.

En fait, je suis pour la diversité biologique dans toutes ses formes, même en économie. Nous sommes mieux d’utiliser plusieurs modèles économiques en même temps de manière à pouvoir choisir l’optimal pour chacune des familles d’activités qui composent la société, car, en bout de ligne, nous devons inventer un modèle économique pour rendre possible, en même temps, une non-croissance et un développement rapide et durable.

Cette réflexion s’impose à moi de manière de plus en plus pressante. Je suppose que c’est l’accélération du rythme, de l’intensité et de la diversité des forces de changement qui me font  cet effet. Je perçois, en effet, jour après jour, une intensification des turbulences qui nous rapproche d’un potentiel chaos social.

Hier, alors que je défendais le dossier R&D d’une entreprise qui invente l’efficience dans le domaine du moulage du plastique et que nous avions un échange à bâtons rompus à l’heure du repas, une discussion a émergé. C’était une discussion sur le non-fonctionnement du capitalisme et sur son inefficacité en ce qui a trait au système global. J’ai été totalement surpris par la maturité de la réflexion qui m’était présentée et par sa profondeur. D’autant plus que, c’était une discussion entre ingénieurs et ils ne sont pas réputés pour leur réflexion gauchisante.

Ça ma titillé le cerveau tout l’après-midi.

Déjà, le matin, dans Le Devoir, il y avait un article sur François Reeves, un médecin québécois qui lance un livre sur « le cœur malade de la pollution et de la nourriture industrielle ». Il s’agit en quelque sorte d’une attaque contre la société de consommation et contre la recherche de profitabilité au prix de la qualité et donc, de la santé des humains. Ça ressemble à une attaque contre le capitalisme !

La semaine dernière, j’ai lu, dans Le Devoir toujours, un article sur un projet de loi qui émerge aux États-Unis, piloté par des sénateurs des deux partis. L’objectif en est de transférer le fardeau de la preuve sur l’innocuité des nouvelles molécules du gouvernement, qui doit aujourd’hui démontrer le danger, aux entreprises qui devront dorénavant en démontrer le non-danger. Notez que l’Europe a déjà montré le chemin avec le règlement REACH, qu'elle à adopté il y a quelques années. Notez aussi qu'au États-Unis ce  , mais que ce changement émerge d’un regroupement bipartite de sénateurs américains, voilà qui est surprenant. Mais aussi, n’est-ce pas franchement anticapitaliste ? 

En Europe, le mouvement qui questionne le capitalisme est encore plus avancé. Ce qui me frappe, c’est jusqu'à quel point ce mouvement est beaucoup plus fort que l’an passé. Je me rappelle d’avoir eu des discussions comme quoi le ton des journalistes était enfin en train de devenir critique face au système économique, il y a à peu près un an. Je me rappelle que j’ai applaudi parce que j’avais été surpris d’avoir entendu des références à Paul Jorion et à Nourriel Roubini aux nouvelles de Radio-Canada. C’était l’été passé! Mais là, le ton monte, le dogme est en train de casser et la discussion politique et économique arrive enfin au centre de la table.

Partout la colère gronde : contre les gaz de schiste, partout en Occident; contre les autocrates qui saignent les pays depuis trop longtemps avec la bénédiction de nos gouvernements occidentaux; de la part de tous ces Occidentaux qui découvrent l’obscène vérité sur ce qu’est devenu le système économique contrôlé par une royauté financière qui vampirise en fait la société. De plus en plus, les Occidentaux réalisent qu’ils sont en fait le dindon de la farce, que c’est leur futur que leurs dirigeants politiques et économiques ont bradé contre des avantages personnels ponctuels.

Ça ne peut plus continuer !

Ça ne doit plus continuer !

C’est pourquoi, je crois que le temps de la créativité est arrivé !

Il faut sortir des cadres classiques. Il faut abandonner notre foi dans tous ces systèmes économiques qui ne peuvent fonctionner que dans une société en croissance, car cette période est finie ! Je vous l’annonce : nous occupons dorénavant toute la planète. Alors, que nous représentions 0,8 % des mammifères habitant la planète il y a dix milles ans, nous en représentons aujourd’hui 98 %.Malgré nous, nous entrons dans l’ère de la consolidation et, dans cette ère, le mot croissance va recommencer à s’appliquer plus à la vie de la biosphère qu’à l’activité industrielle ou financière.

Nous devons inventer un nouveau système économique conçu pour stabiliser la croissance et la société humaine et, surtout, pour assurer sa pérennité sans autres ressources que celles de la Terre car, nous le savons maintenant, l’homme ne supporte pas l’apesanteur. Alors, si vous croyez, qu’après la Terre, nous allons aller vider les autres planètes, détrompez-vous.

Ce n’est pas pour demain.

Même pour la Lune, qui est juste à côté, ce sera difficile.